Du bon usage des entretiens d’orientation

C’est dans un contexte extrêmement incertain quant à l’avenir de notre profession que la circulaire parue au BO du 21-12-2006 organise le transfert du « conseil en orientation » aux professeurs principaux des classes de troisième. La circulaire de rentrée 2007 étend ce dispositif aux classes de première..

Ces textes mettent en lumière les orientations et les projets du gouvernement, leur donnent un sens avant même la parution prévue pour fin février des conclusions des deux groupes de travail ministériels (Gachet et Chauvet).

Les entretiens d’orientation confiés aux professeurs sont une illustration des conceptions développées par l’administration pour laquelle psychologie et orientation sont dissociées. La psychologie est réservée aux élèves en grande difficulté ou relevant du handicap et l’orientation aux professeurs et aux branches professionnelles.

Nous pensons au contraire que l’action des conseillers d’orientation-psychologues doit continuer à être menée en direction de l’ensemble des élèves à partir du moment où les questions à traiter relèvent de leur compétence. Leur formation ainsi que la place qu’ils occupent au sein des équipes éducatives leur permettent d’analyser les situations et d’aider les élèves, dans le cadre d’entretiens individualisés, à articuler leurs aspirations aux réalités scolaires, familiales, socio-économiques.

Le travail en complémentarité avec les professeurs principaux comme avec l’ensemble des membres de l’équipe éducative est nécessaire mais il ne peut s’agir ni de substitution d’un personnel à un autre, ni d’associations « le cas échéant » dans des entretiens conduits « en binôme ». Nos pratiques se fondent sur des règles déontologiques telles que la neutralité, le respect de la personne, la confidentialité, le secret professionnel, la confiance. Elles sont incompatibles avec celles que préconise l’administration.

Comment sera perçue, par la famille et l’élève, la présence du copsy dans le cadre de ces entretiens institutionnalisés ? De quel coté sera-t-il placé ? Qu’elle valeur sera accordée à sa parole ? Qu’elle confiance lui sera-t-elle accordée par la suite ?
Par ailleurs, quelle place le copsy peut-il occuper ? Quel rôle risque-t-il de jouer ? Qu’elle parole s’autorisera-t-il à tenir dans ce cadre ?

On peut donc s’interroger à juste titre sur la pertinence d’une participation des conseillers d’orientation-psychologues à des entretiens obligatoires où les élèves seraient convoqués à une période de l’année bien déterminée.

Nous savons tous que l’orientation est étroitement liée à l’affectation, que les taux attendus de redoublement et de passage sont définis précisément par l’administration .
L’entretien d’orientation, tel qu’il est conçu, peut, malgré la bonne volonté des acteurs, induire une orientation douce par consentement des familles. Parions que les familles les plus démunies risquent d’en être victimes le plus souvent.
Cet entretien peut devenir un outil puissant pour conformer les résultats d’établissement aux indicateurs de performance et aux politiques académiques et ministérielles.

Il n’est pas question de nier l’importance du dialogue entre les professeurs, l’élève et sa famille. Cependant, l’entretien d’orientation est d’un tout autre ordre, il nécessite une professionnalité qui s’acquiert par une formation spécifique.
Confier à des personnes non formées, à des non psychologues, la responsabilité du conseil en orientation pose d’importants problèmes déontologiques et pratiques et engage fortement la responsabilité des acteurs et du Ministère de l’Education Nationale.

Ce n’est évidemment ni avec une sensibilisation aux techniques d’entretien, ni avec un guide technique, que l’on peut s’en approprier la démarche contrairement à ce que préconise le ministère dans ses circulaires.

C’est pour ces raisons qu’il nous parait nécessaire de refuser de participer à toute formation à l’entretien en direction des professeurs et des équipes éducatives et de rester d’une extrême prudence face aux modalités d’entretien prescrites par l’administration.

Chacun doit demeurer dans son champ de professionnalité et parler de la place qu’il occupe dans l’institution : on ne peut s’improviser professeur comme l’on ne peut s’improviser conseiller d’orientation-psychologue. Le brouillage du rôle de chacun ne peut qu’être néfaste aux élèves et à leurs familles ainsi qu’ au devenir de nos métiers respectifs.


Le collectif SNES COPsy de l’académie de Nice