6 juillet 2017

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Circulaire de missions des professeur-e-s documentalistes

Des avancées à concrétiser sur le terrain. Le bulletin officiel du 30 mars 2017 publie la nouvelle circulaire de missions des professeurs documentalistes qui abroge et remplace celle de 1986. La réactualisation de la circulaire de missions était très attendue par la profession en quête de reconnaissance - en particulier de son rôle pédagogique. Vous trouverez ci-dessous notre lecture du texte afin d’éviter toute interprétation abusive de certaines formulations par les chefs d’établissement.

Des points positifs :

- La confirmation du statut d’enseignant :
Le texte cite en référence le CAPES de Documentation ainsi que l’arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation. Par ailleurs, il est question, dès le titre, du « professeur documentaliste » et non plus des « personnels exerçant dans les CDI » comme le stipulait la circulaire de 1986. Dorénavant, c’est donc cette appellation qui fait foi, officiellement. Le professeur documentaliste a pour mission de faire acquérir aux élèves une culture de l’information et des médias, en s’appuyant sur son expertise dans le champ des sciences de l’information et de la communication (Sic).

- La préservation de l’équilibre entre les 3 missions des professeur-e-s documentalistes :
Le ou la professeur-e documentaliste est à la fois enseignant et maître d’œuvre de l’EMI, organisateur des ressources de l’établissement et acteur de l’ouverture de l’établissement. La mission pédagogique reste le premier axe, comme dans la circulaire de 1986. La politique documentaire ne figure pas dans l’intitulé de ces 3 axes, même si elle est citée dans le corps du 2e axe.

- La reconnaissance d’un enseignement d’information-documentation :
« Ils forment tous les élèves à l’information-documentation ». C’est la première fois que « l’information-documentation » est citée dans un texte officiel, ce qui constitue donc un événement majeur pour des professeur-e-s documentalistes qui pourront désormais s’appuyer sur cette mention pour évaluer légitimement les élèves, assurer un co-enseignement en situation d’interdisciplinarité, etc. L’information-documentation, dans la circulaire, ne se réduit pas à l’EMI (Education aux Médias et à l’Information) mais est une notion plus large.
« Son enseignement s’inscrit dans une progression des apprentissages de la classe de sixième à la classe de terminale, dans la voie générale, technologique et professionnelle. » Cette inscription est le fait d’un amendement proposé par le SNES-FSU. La circulaire reconnaît enfin la nécessité d’une progression des apprentissages info-documentaires – sans rien dire pour autant sur les moyens à y affecter (contenus, horaires).
« Le professeur documentaliste peut intervenir seul auprès des élèves » : la circulaire institutionnalise, ce qui est une réalité sur le terrain, à savoir que le ou la professeur-e documentaliste peut intervenir seul auprès des élèves.

- La fin de la conversion des CDI en « learning center » (ou3C) :
L’appellation « CDI » reste la seule en cours dans ce texte officiel. La proposition de l’inspection EVS, lors du groupe de travail sur la circulaire, d’un nouveau nom pour les CDI n’a ainsi pas été retenue grâce au refus des organisations syndicales. Dans la nouvelle circulaire, le CDI est vu en premier lieu comme un « lieu de formation » dont la vocation est donc avant tout d’être un espace didactisé. L’articulation du CDI avec les différents lieux de vie scolaire est citée mais sans être développée dans le sens d’une fusion des services, caractéristique du 3C.

- La consolidation d’avancées statutaires :
L’existence des « réunions de bassins » est reconnue et encouragée. Un point d’appui pour faire reconnaître l’importance de la formation continue dans bon nombre d’académie où elle est attaquée.
La possibilité pour les professeur-e-s documentalistes de toucher des IMP (indemnité pour mission particulière) est rappelée, conformément aux textes officiels les ayant mis en place.
La pondération des heures d’enseignement est rappelée à travers la citation du décret et de la circulaire sur les obligations réglementaires de service.

Des points de vigilance :

- Le professeur documentaliste « peut » exercer des heures d’enseignement
L’emploi de cette modalité sous-entendrait-il que le ou la professeur-e documentaliste peut tout aussi bien ne pas enseigner ? Autrement dit, un chef d’établissement pourrait-il lui refuser d’enseigner au motif que ce n’est pas une obligation ? Cette interprétation entrerait en contradiction avec l’obtention du CAPES de Documentation dont l’existence a, qui plus est, été rappelée par le législateur en préambule de la circulaire de missions. Cette mention est en fait à mettre en parallèle avec le passage figurant dans le décret 2014-940 : « Ce service peut comprendre, avec accord de l’intéressé, des heures d’enseignement. » Le décret insiste là sur le respect du volontariat : il n’est pas possible d’imposer des heures d’enseignement au professeur documentaliste contre sa volonté. C’est un appui législatif qui peut éviter des dérives constatées notamment avec l’arrivée de l’accompagnement éducatif (AE) et de l’accompagnement pédagogique (AP).

- Le « bon fonctionnement » du CDI
« Les heures d’enseignement sont effectuées dans le respect nécessaire du bon fonctionnement du CDI ». La question se pose de l’interprétation de l’adjectif « bon », particulièrement subjectif. Placée à la suite du paragraphe relatif aux obligations de service et à la pondération des heures d’enseignement, la phrase pourrait faire craindre une volonté de contenir les effets que produirait le décompte des heures d’enseignement, s’il était appliqué à la lettre. Mais rappelons que la circulaire stipule que le CDI est non seulement un lieu de « de lecture, de culture et d’accès à l’information » mais aussi – et même peut-être avant tout, puisque cette mention figure en tête des différentes fonctions du CDI – un « lieu de formation ». Un CDI accueillant un groupe d’élèves dans le cadre d’une séance pédagogique est donc tout aussi efficient qu’un CDI accueillant des élèves en libre-accès. C’est bien cette lecture qu’il faudra faire valoir auprès du chef d’établissement qui tenterait d’utiliser l’argument du « bon fonctionnement » pour refuser l’application du décompte des heures d’enseignement au professeur documentaliste.

- La politique documentaire « validée » en CA
Petit rappel : le concept de « politique documentaire », en provenance du monde de la lecture publique, a été porté dans l’enseignement secondaire par l’Inspection Générale EVS au début des années 2000. L’objectif initial était d’orienter la gestion des CDI vers la performance (statistiques d’ouverture, d’accueil, de prêt au regard des dépenses...). Ce concept fait son entrée aujourd’hui dans la « circulaire de missions des professeurs documentalistes », reprenant en cela la mention figurant dans l’arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat. A la différence du texte de 2013, la circulaire de 2017 ne se contente pas de mettre l’accent sur l’accès aux informations et aux ressources : elle assigne également comme objectif à la politique documentaire une réflexion sur la mise en œuvre de la formation des élèves à la culture informationnelle. Le concept de politique documentaire a donc été transposé et adapté à l’environnement scolaire, en y plaçant la formation des élèves au centre. Le texte incite ainsi à penser la gestion du CDI au regard des besoins de formation des élèves.
Notons que la politique documentaire doit définir les « modalités » de cette formation c’est-à-dire les conditions particulières dans lesquelles la formation des élèves est réalisée. Cela peut ainsi être l’occasion de réfléchir aux problèmes matériels et / ou d’organisation pédagogique rencontrés pour la mise en œuvre de cette formation. Pour autant, les contenus de cette formation n’ont pas à être abordés dans le cadre de la politique documentaire ; la liberté pédagogique des professeur-e-s documentaliste ne peut donc être contrainte par ce biais.
Autre point important : cette politique documentaire doit être le fruit d’une élaboration collective « avec les autres membres de la communauté pédagogique et éducative et dans le cadre du projet d’établissement ».
Enfin, la politique documentaire doit être « validée » en conseil d’administration (CA) :
« Avec les autres membres de la communauté pédagogique et éducative et dans le cadre du projet d’établissement, il élabore une politique documentaire validée par le conseil d’administration, et à sa mise en œuvre dans l’établissement. (…) La politique documentaire s’inscrit dans le volet pédagogique du projet de l’établissement »
Il semble utile de préciser ici que cette validation n’est pas synonyme de vote. Le CA adopte le projet d’établissement dans lequel s’inscrit la politique documentaire. La politique documentaire s’inscrivant dans le volet pédagogique du projet de l’établissement, cela signifie qu’elle va être débattue dans les différentes instances de l’établissement sans pour autant donner lieu à un vote spécifique.
Au final, les professeur-e-s documentalistes ont tout intérêt à se saisir de cette occasion pour légitimer la mise en place de leur enseignement, tout en restant lucides sur les difficultés qu’ils et elles ne manqueront pas de rencontrer, dans la mise en œuvre de cette politique documentaire, sur le terrain.

Un combat syndical à poursuivre…

Le SNES-FSU a œuvré, par ses amendements, pour que la circulaire de missions soit améliorée et prenne en compte la réalité quotidienne du terrain. Mais d’autres avancées sont à gagner pour le métier et les professeur-e-s documentalistes, dans la continuité de cette nouvelle circulaire de missions :

  • Formalisation de contenus en Information-Documentation ;
  • Instauration d’un temps spécifique pour ces apprentissages, de la 6e à la Terminale ;
  • Recrutement permettant la mise en œuvre de cet enseignement, dans le respect des ORS des professeur-e-s documentalistes (1 poste pour 250 élèves).
Cette circulaire répond à de nombreuses préoccupations de la profession et doit constituer un point d’appui dans les établissements pour imposer le respect de nos missions et de nos droits. Elle renforce en particulier notre légitimité à demander l’application des textes officiels sur les obligations de service comprenant le décompte des heures d’enseignement. Vous trouverez sur notre site un modèle de courrier pour demander l’application de ce décompte. N’hésitez donc pas à vous faire accompagner de votre S1 lors d’une éventuelle entrevue sur ce sujet avec le chef d’établissement ! En cas de difficultés, contactez rapidement la section académique.